L’évaluation face aux nouveaux défis de développement

Conférence d’ouverture du 2ème Forum International Francophone de l’Evaluation, le 14 décembre 2016 à Marrakech, par Patrick Viveret. 

« Il nous faut d’abord rappeler que les enjeux de l’évaluation se situent à un moment critique de l’histoire de notre famille humaine, notre « frater » puisque le sens initial de ce mot latin est celui de genre humain. Au-delà même des objectifs du développement durable des Nations Unies qu’il s’agit d’évaluer, c’est notre destin commun qui est en cause dès lors que des seuils d’insoutenabilité sont franchis ou en passe de l’être.

C’est le cas dans l’ordre écologique, social, financier et désormais politique depuis la croissance inquiétante de ce que Pierre Hassner(1) nomme des « démocratures » c’est à dire des régimes autoritaires qui ne gardent de la Démocratie que quelques élections périodiques facilement manipulables par des démagogues qui surfent sur les sentiments de peur et de replis identitaires. Sentiments de peur et de replis eux-mêmes alimentés par l’aggravation des risques écologiques (dérèglement climatique, atteintes massives à la biodiversité, grandes pollutions de biens vitaux comme l’air et l’eau) et du creusement des inégalités: lorsque la fortune de 63 personnes, pour reprendre le chiffre spectaculaire d’Oxfam, représente l’équivalent des revenus de trois milliards et demi d’êtres humains il y a un risque majeur pour mettre en œuvre la plupart des objectifs sociaux mais aussi écologiques du développement durable.

Quant au seuil d’insoutenabilité financière, révélé lors de la grande crise de 2008, il est directement lié à une démesure spéculative dont les causes n’ont toujours pas été traitées : quand, selon les chiffres donnés par un ancien responsable d’une banque centrale (celle de Belgique), Bernard Lietaer (2), plus de 95% des transactions financières quotidiennes ne correspondent pas à des biens et des services effectifs mais à des transactions purement spéculatives, il y a là aussi un risque majeur. Quand, pour reprendre une citation de la bible des marchés financiers, le « Wall Street Journal », Wall Street ne connaît que deux sentiments, l’euphorie et la panique » nous sommes plus près d’une pathologie telle la psychose maniaco-dépressive dépressive dont devrait s’occuper l’organisation mondiale de la santé que d’une optimisation rationnelle de l’épargne et de l’investissement.

Ainsi, c’est dans ce contexte où il n’est pas excessif de dire que notre famille humaine peut se perdre ( en détruisant ses écosystèmes, en se détruisant elle-même avec son stock d’armes de destruction massive, en pratiquant la guerre de civilisation plus que le dialogue, etc.) qu’il nous faut au contraire identifier les forces de vie face aux logiques mortifères. Or, discerner les forces de vie, n’est-ce pas, au-delà de tous les débats méthodologiques légitimes sur les modalités de mise en œuvre des évaluations de politiques publiques, l’enjeu supérieur d’un discernement, d’une délibération « sur ce qui fait valeur« , sachant que le sens du mot latin valor -qu’il nous faut revisiter- est précisément celui de force de vie. Où sont les activités bénéfiques sources de valeur ajoutée, c’est à dire d’augmentation des forces de vie. Où sont, inversement, les activités nuisibles destructrices de forces de vie, sources de pertes, au sens premier et non monétaire du terme ; de même que le mot bénéfice ne renvoie pas d’abord à des soldes monétaires positifs mais a des activités bénéfiques, sources de bienfaits ?

Tel est, à mon sens, l’enjeu supérieur des activités évaluatives. Or sur ce chemin du discernement, la notion développement appelle elle-même un exercice de distinction entre des activités réellement bénéfiques sur le plan économique, social ou environnemental et des activités nuisibles mais qui génèrent malgré tout des valeurs ajoutées monétaires (dans des agrégats comme le fameux PIB, le produit intérieur brut). C’est un problème désormais reconnu sur lequel j’avais été conduit à travailler après ma mission sur l’évaluation des politiques publiques quand j’ai conduit une seconde mission officielle sur une autre approche de la Richesse (cf. le rapport public « Reconsidérer la Richesse » à la Documentation française). La commission Stiglitz-Sen a confirmé la nécessaire critique du PIB et la nécessité de nouveaux indicateurs prenant notamment en cause la soutenabilité écologique et sociale des formes de développement.

Ce point est essentiel si nous ne voulons pas confondre le développement avec un simple grossissement en volume qui peut s’avérer parfaitement destructeur tels celui par exemple de l’exploitation des énergies fossiles dont la COP 22, qui vient de se tenir ici à Marrakech, a confirmé -après la Cop 21- la dangerosité dans le dégagement excessif de gaz à effet de serre.

C’est pourquoi, si nous réduisons l’évaluation de politiques publiques à des mesures de résultats, aussi utiles et nécessaires soient elles, et qui plus est à des mesures monétaires, nous pouvons déboucher sur des contradictions insurmontables : celles ou la « valeur force de vie » se transforme en « valeur For Money » renvoyant ainsi dans l’enfer des non valeurs toutes activités ne générant pas des flux monétaires, à commencer par le Bénévolat qui joue pourtant un rôle essentiel dans les activités de nos réseaux.

En réalité nous confondons dans ce cas deux variables différentes que sont d’une part un processus de quantification et de l’autre un processus de qualification.

Or, depuis la Déclaration Rio, nous avons appris qu’une croissance en volume n’était pas en soi bénéfique et pouvait même s’avérer nuisible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a dû, lors du sommet de la terre de Rio 1992, commencer à qualifier la nature de ce développement en le caractérisant comme durable ou soutenable ce qui signifie qu’il peut aussi prendre des formes insoutenables. Cela vaut également, disons-le, pour le discours sur « la Décroissance » qui énonce une diminution de volume moyenne mais peut parfaitement être dangereuse si on ne précise et si on ne qualifie pas ce qui doit croître ou décroître.

C’est tout le problème que nous retrouvons à propos de l’évaluation des 17 objectifs de développement durable: celui du rapport entre les piliers économique, social et environnemental du développement, auquel il faut ajouter celui de la gouvernance. Or, si la gouvernance est dominée par une vision économiste, qui elle-même est en partie destructrice sur le plan écologique et social, nous sommes confrontés à une contradiction majeure. Il y a ici un lien qu’il nous faut établir avec le précédent FIFE de Dakar sur « évaluation et bonne gouvernance ».

Cette confusion, puisque nous sommes en francophonie, n’est pas sans lien, me semble-t-il, avec des formes réductrices que prend la « langue du business » pour caractériser les activités humaines. Quand je conduisais la mission « nouveaux facteurs de Richesse » j’avais commencé à travailler sur d’autres approches des chiffres et des comptes. Mais je me rendais compte que, plus profondément, ce sont les mots eux-mêmes qu’il fallait revisiter. Ainsi ceux de « valeur » et de « bénéfice« , comme je l’ai indiqué plus haut mais aussi celui de « bénévolat » qui indique l’orientation « bonne » de la volonté et qui se distingue du même coup de ce que l’on pourrait nommer le « malévolat« , c’est à dire une orientation destructrice ou bien encore le « lucravolat« , c’est à dire une orientation de la volonté réduite aux seuls gains monétaires.

Il y a donc, me semble-t-il , pour le Réseau Francophone de l’Evaluation et pour ce forum de Marrakech, un enjeu stratégique qui consiste à redonner à l’évaluation son plein sens de délibération et de discernement: un grand retour de l’éthique, sur ce qui fait valeur comme force de vie. Cela appelle évidemment une inscription forte de l’évaluation dans une mutation de la qualité de nos démocraties qui exige aussi, aux côtés de toutes les institutions légitimes représentées dans ce forum, une forte participation des citoyennes et des citoyens qui, au-delà de nos différences d’appartenance, sont des éclaireurs, des lanceurs d’alerte mais aussi d’avenir au service de ce Peuple de la Terre dont nous sommes tous membres.

 

(1 )in Pierre Hasner, « La revanche des passions », Fayard, Paris, 2015

(2 )Bernard Lietaer, « Au cœur de la monnaie. Systèmes monétaires, inconscient collectif, archétypes et tabous », éditions Yves Michel, septembre 2011

 

Patrick Viveret est philosophe, conseiller maître honoraire à la Cour des Comptes, auteur du rapport au Premier ministre « L’évaluation des politiques et des actions publiques« , Paris, 1989.

Le Forum International Francophone de l’Evaluation (FIFE) est un évènement organisé par le Réseau Francophone de l’Evaluation. Chaque 2 ans, il rassemble évaluateurs, décideurs, chercheurs, utilisateurs et membres des sociétés nationales francophones d’évaluation.

Le premier forum a eu lieu a Dakar en octobre 2014 et le second à Marrakech en décembre 2016.

Pour accéder à l’ensemble des ressources du FIFE2, voir ici.

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Promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques

L’avis intitulé « Promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques » a été adopté par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) le 8 septembre 2015. Interview de M. Nasser MANSOURI-GUILANI, rapporteur de l’avis.

  • En quoi l’évaluation des politiques publiques est-elle un élément déterminant de la vie démocratique ?
  • Quels sont les obstacles à surmonter pour promouvoir la culture de l’évaluation des politiques publiques ?
  • Quelles sont les recommandations du CESE pour promouvoir cette culture ?

Docteur en économie, Nasser MANSOURI-GUILANI  a été membre du Cese de 2004 à 2015 où il représentait le groupe de la CGT.

 

Découvrir la Délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques du CESEPromouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques : avis et rapport

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« jusqu’à présent, c’est under control » Pierre Bourdieu

2002. Pierre Bourdieu interrogé sur son approche de « nouvelle économie du bohneur ».  Extrait du documentaire de Pierre Carles « La sociologie est un sport de combat ».

 

 

Oui, vous savez, c’est une idée qui aujourd’hui peut paraitre un peu originale, voire utopiste, alors qu’elle est très banale, ça veut dire que dans l’économie telle qu’elle est dans sa définition dominante, on prend en compte les coûts et les profits, etc., mais comme on élimine les coûts sociaux et les profits sociaux, c’est à dire tout ce qui n’est pas quantifiable, tout ce qui n’est pas calculable, tout ce qui n’est pas anticipable par le calcul, etc., et bien on sous-estime beaucoup les coûts et on surestime le rapport coût/profit. Par exemple si on prenait en compte réellement, je ne sais pas, prenons un exemple quelconque, la violence urbaine, quand les gouvernements européens ou nationaux demandent aux sociologues d’étudier la violence, dans les écoles, dans les banlieues, il y a sans arrêt des demandes pour lesquelles on donne de l’argent, ils veulent quoi ? Ils veulent des recettes pour conjurer la violence. Est-ce qu’il faudrait mettre plus de policiers ? Est-ce qu’il faut mettre des animateurs ? Des éducateurs ? Est-ce que l’école peut jouer un rôle ? Mais comment protéger l’école de la violence ? Enfin, voilà les questions qu’ils se posent. En fait, ils excluent systématiquement la question de savoir si les causes de la violence ne sont pas hors de l’univers violent. Dans les choses tout à fait évidente : les taux de chômage, la précarité de l’emploi, l’insécurité temporelle – le fait que le rapport à l’avenir est incertain – dans l’élimination scolaire – le fait que certains enfants, du fait de leur origine sociale, et ethnique, les deux choses étant souvent liées, sont voués à être éliminés par le système scolaire. Oui, dans toute la structure.

 

Et ce qu’on ne voit pas, c’est que ce que l’on économise d’un coté en disant on va réduire les coûts, on va faire des plans sociaux, comme on dit, on va renvoyer 2000 personnes pour abaisser les coûts de productions, etc., être compétitif sur le marché mondial, etc., on ne voit pas que ce qu’on économise d’un coté, on va le payer de l’autre et que ces 2000 personnes, surtout si ce sont des jeunes, jetés au chômage, vont consommer des tranquillisants, devenir alcoolique, consommer de la drogue, devenir dealer, puis killer, puis occuper des policiers… Alors si on faisait l’équilibre de tous les coûts induits par des économies de coûts, purement économique, alors on s’apercevrait que c’est de la très mauvaise économie. Voilà, c’est tout. Et moi ce que je dis c’est que c’est de la très mauvaise économie. C’est une économie fondée sur la dissociation de l’économique et du social, et le social, c’est de l’économique, voilà. Et il n’y a rien qui ne soit pas justifiable de cette économie. La tristesse, la joie, le bonheur, le plaisir de vivre, le plaisir de se promener dans les rues sans être attaqué, la qualité de l’air que l’on respire : tout cela c’est de l’économie.

 

Avec l’écologie, on commence un petit peu. Et encore, quelle difficulté ! Mais, c’est encore une loi sociale, il y a des coûts sociaux qui touchent tout le monde. C’est un travail qui a été fait par un sociologue néerlandais, il a montré qu’au XVIIIème et XIXème siècle, les progrès de l’hygiène ont été favorisés par le fait que les grandes épidémies, de peste, etc., passaient les frontières de classe, c’est à dire que quand il y avait une épidémie de peste, cela ne s’arrêtait pas dans les quartiers populaires, ça tuait tout le monde, y compris les bourgeois. Donc on a fait les égouts, on a pris des tas de mesure d’hygiène, d’intérêt général mais qui étaient d’intérêt général dans la mesure où elles intéressaient aussi les dominants. Alors aujourd’hui, évidemment, quand il y a Tchernobyl, le nuage ne va pas s’arrêter à la frontière Oder-Neisse, il ne va pas s’arrêter non plus au Rhin, il ne va pas s’arrêter avant le 16ème arrondissement. Alors à ce moment-là, on fait de l’écologie intéressée. Alors maintenant les médecins, qui ne sont pas une catégorie très progressiste dans aucun pays, commencent à dire « ah oui, les taux de pollution, c’est très embêtant, pour les cardiaques, on voit les statistiques, pour les asthmatiques, etc. » mais bon personne ne sait les conséquences dans 20 ans. Dans 20 ans, on dira « il y a une corrélation entre le taux de cancer et la vie urbaine » mais cela sera trop tard. Et alors moi ce que je dis tout le temps c’est que par la science sociale nous savons dès maintenant que des mesures qui ont l’air très rationnelles économiquement aujourd’hui « on va faire plus de Toyota avec moins d’acier » c’est en gros ça l’économie – comme disait Leibniz « on va attacher plus de chiens avec moins de saucisses » – cette économie-là a des effets terribles, des effets dit secondaires mais qui en fait sont primaires, lorsque ça concerne la santé biologique, la santé mentale, l’équilibre personnel : par exemple l’alcoolisme, c’est un phénomène social. Avec toutes ces mesures qui font monter la bourse – à chaque fois que l’on fait une mesure comme cela, aussitôt cela fait monter la bourse – cela sera payé par certaines personnes et finalement par la collectivité. C’est pour cela que c’est un peu comme les égouts du XVIIIème siècle, cela sera payé par la collectivité. Moi, ce que je prêche c’est l’intérêt bien compris. Je dis aux gens qui sont dominants : « vous pouvez être cynique, vous pouvez vous moquer complètement de ce qui arrive au peuple, mais c’est bête, ce n’est pas simplement méchant, après tout, moi je ne suis pas un moraliste, si ça vous plait d’être comme ça, mais c’est bête parce que vous allez être, comme en Californie, dans des espèces de ghetto dorés avec des vigiles, vous ne pourrez pas sortir, il faudra des chiens de garde, il faudra des systèmes de défense partout, vous allez être dans une espèce de forteresse assiégée entourée par une violence que vous aurez produite vous même. » Bien sûr, le système est très puissant et la réponse est « jusqu’à présent, c’est under control », ils ont je ne sais plus combien de noirs en prison, alors voilà.

 

 

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L’évaluation des politiques publiques, par la 27ème région (Les éclaireurs, épisode 1)

Vous vous souvenez de cette vidéo « A quoi sert l’évaluation des politiques publiques ? » tournée lors des Journées Françaises de l’Evaluation 2011 ? Trois années plus tard (février 2014) et de manière très didactique, la 27ème région se prêtait au même exercice…

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Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires

Donner les moyens de l’interpellation citoyenne : un an après la remise du rapport Bacqué/Mechmache, que reste-t-il des propositions ?

Entretien avec Marie-Hélène Bacqué – Sociologue et urbaniste, professeure à l’université Paris Ouest Nanterre, directrice du laboratoire Mosaïques. Propos recueillis par Sébastien Galéa. 

En juillet 2013, vous remettiez au ministre de la ville de l’époque, François Lamy, un rapport co-écrit avec Mohammed Mechmache intitulé  » Ca ne ce fera plus sans nous – Pour une réforme radicale de la politique de la Ville ». Parmi les 30 propositions que vous soumettiez, une avait particulièrement attirée notre attention : la création d’un fonds pour l’interpellation citoyenne. Ce dispositif pourrait financer toute initiative citoyenne contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun avec un abondement de 1% prélevés sur le financement public des partis politiques et de 10% sur les réserves parlementaires. Même si cela pouvait paraitre évident, cela a été une sorte de prise de conscience: si les partis politiques sont financés (en 2013 à hauteur de 70 millions d’euros) rien ou si peu existe pour faire vivre des engagements et une participation à la vie de la cité, hors partis politiques.

 Avant de nous éclairer sur l’accueil reçu par le rapport, ce qu’il restera de vos propositions, pouvez-vous revenir sur l’origine de la commande ?

La commande du ministre portait sur la participation des habitants. Après avoir lancé une série de consultations essentiellement avec des professionnels et des élus auxquels les habitants n’avaient pas été conviés ou de façon très marginale, dans un moment de refondation de la politique de la ville, il a pensé que la question des citoyens était une question fondamentale ; il nous a demandé à la fois de faire un bilan, de réfléchir à ce que signifiait la notion même de participation et de faire des propositions.

C’est François Lamy qui a crée le binôme Bacqué/Mechmache. Il nous a laissé, il faut le souligner, une liberté totale et nous a soutenu dans nos différentes propositions d’organisation de notre travail. En particulier, quand nous avons proposé d’organiser une conférence citoyen, il nous a donné les moyens nécessaires ce qui revenait à accepter de mettre sa politique en débat. C’est assez rare comme pratique pour mériter d’être souligné..

Au moment où la mission nous a été confiée se réunissait un Conseil National des Villes et Jean-Marc Ayrault alors premier ministre avait annoncé que le gouvernement mettrait en oeuvre nos mesures alors même que nous n’avions encore fait aucune proposition ! C’est un peu surprenant. Mais cela a donné du poids au rapport, même si on est loin d’une prise en compte globale de l’ensemble de nos propositions !

 

Comment les propositions ont-elles été élaborées ?

Nous avons travaillé avec une commission, ce qui est assez classique, simplement dans cette commission nous avions différents types d’associations, à la fois des petites structures de quartiers, des collectifs comme Stop contre le contrôle au faciès ou Pouvoir d’agir, des acteurs engagés sur des thèmes très différents. Surtout nous avons fait beaucoup de rencontres, beaucoup d’auditions : presque 400 personnes en tout. Des auditions collectives thématiques par exemple sur les questions des médias ou sur les questions de la culture. Aussi en visitant un certain nombre de quartiers.

 Nos propositions sont très largement issues de ces rencontres. Nous avons repris des propositions existantes élaborées par d’autres acteurs : sur la question des rapports avec la police nous avons repris des propositions de Stop contre le contrôle au faciès, sur la question de l’école nous avons repris des expériences conduites par ATD Quart Monde ou des propositions du collectif des parents d’élèves de la Seine-Saint-Denis, sur des questions de médias nous nous sommes beaucoup appuyés sur des positions de Bondy blog ou de Presse & cité par exemple.

Certaines propositions sont issues de dispositifs existants dans d’autres pays : par exemple les tables de quartier et Centraide à Montréal.

Par ailleurs Mohamed et moi avions nos propres expériences. Certaines propositions sont très novatrices et n’avaient pas été formulées jusqu’alors, c’est le cas de la proposition de créer un fond pour la démocratie d’interpellation qui est venu en discutant beaucoup, notamment avec Alliance Citoyenne à Grenoble, sur les difficultés pour l’alliance de se faire financer et de développer une activité autonome qui ne soit pas du service mais bien de l’action citoyenne..

 

Comment avez-vous déterminé les seuils de prélèvement ? (1% prélevés sur le financement public des partis politiques et 10% sur les réserves parlementaires)

Nous avons réfléchi à des montants qui nous semblaient pouvoir passer. 1% sur le financement des partis politiques, ce n’est vraiment pas grand-chose, mais en même temps c’est beaucoup pour les associations. 10% des réserves parlementaires, ce n’est pas non plus extraordinaire, mais ça fait des grosses sommes quand on cumule ces montants.

 

Comment a été accueilli le rapport ?

Au moment de l’élaboration du rapport, nous avions donc fait beaucoup d’entretiens et beaucoup de visites et il y avait à la fois une très grande attente et une très grande réticence : c’est à dire une crainte des acteurs rencontrés de se faire encore une fois avoir. Je crois que c’est vraiment important à souligner.

C’est pourquoi nous avons choisi de faire un rapport relativement radical, d’ailleurs il s’appelle pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ce rapport a entrainé une dynamique importante, en ligne avec cette conférence citoyen où nous avons réunis environ 120 associations. Après la remise du rapport, la commission avec laquelle nous travaillions a décidé de ne pas se dissoudre, ce qui est assez exceptionnel. La commission a continué à travailler pour mettre en place – ou faire pression pour mettre en place -une série des mesures que nous avions proposées.

 Le rapport a été bien diffusé ; nous avons été appelé dans toute la France pour le présenter, par des associations, des collectifs ,des professionnels, des collectivités locales et cela continue. Le rapport a été bien reçu par les associations et les professionnels de la politique de la ville, il était très attendu. Le risque est plutôt une déception si le rapport ne débouche pas sur des mises en oeuvre concrètes.

En février, à la suite du rapport, une centaine d’associations se sont réunies et ont décidé de créer une coordination qui s’appelle « ça ne se fera plus sans nous » afin de se mobiliser pour la mise en oeuvre des recommandations préconisées dans le rapport.

Par contre, du côté des élus, l’accueil a été plus mitigé. La discussion à l’assemblée nationale était décevante et nous avons constaté une forte réticence de la part de nombreux élus à s’engager dans des dispositifs participatifs qui donnent du pouvoir aux citoyens.

La loi ne nous convenait pas, nous avons fait du lobbying auprès des sénateurs et nous avons trouvé quelques oreilles attentives, en particulier celles d’Esther Benbassa qui a repris nos propositions et a été une force de proposition importante. Le débat au Sénat a ainsi permis d’aller un peu plus loin dans la formulation de la loi mais nous étions encore très loin des intentions du rapport. Ceci dit, nous ne attendions pas forcément à ce que la loi change les pratiques, la participation citoyenne ne se décrète pas par arrêté, sur un coup de baguette magique.

 

Comment suivre le parcours d’un texte de loi ?

Après la remise du rapport, nous avons proposé au cabinet de poursuivre le travail via la commission, d’élaborer une feuille de route, mais notre travail a été considéré comme fini. Nous n’avons pas été associés à l’élaboration de la loi.

Ensuite, en ce qui concerne les débats autour de la loi, les amendements, les citoyens ont très peu de moyens pour suivre les évolutions du texte et les négociations à travers les commissions parlementaires puis le débat et le vote des assemblées…

Mais il est vrai que l’histoire de notre commission est quand même très particulière – en général les commissions rendent leur travail et puis hop, elles disparaissent. Nous considérions avoir une responsabilité, nous nous étions engagés à faire des retours, à donner des réponses. Les participants à la conférence citoyenne attendaient au moins d’être informés sur ce qui serait conservé et ce qui ne le serait pas dans les propositions.

 

Que reste-t-il du rapport ? Où en est t’on dans le processus législatif ?

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine le 21 février 2014. Dans cette loi est inscrit le principe de la co-construction, ce qui est déjà un point important mais nous voulions allez jusqu’à la co-décision. La loi impose la création de conseils citoyens dans tous les quartiers populaires. C’est une proposition qui s’inscrit dans la lignée de ce que nous avions appelé des tables de quartier ou des tables de concertation de quartier. Dans notre perspective, il ne s’agissait pas de les rendre obligatoires, mais il s’agissait de dire : quand ces tables existent, quand elles sont créées par les citoyens, la puissance publique s’engage à les financer et à les appuyer.

Les rendre obligatoire peut avoir un certain nombre d’effets pervers, en particulier des maires peuvent créer des conseils citoyens de toutes pièces, sans réelle dynamique locale. Cela ouvre néanmoins des possibilités pour que les citoyens se mobilisent, pour imposer des conseils citoyens portés par des associations et par des collectifs locaux.

Nous attendons la sortie des décrets d’application de la loi. J’espère qu’ils ne seront pas trop systématiques, qu’ils ne figeront pas trop les choses. On nous avait demandé un kit de bonnes pratiques mais il nous a semblé qu’il y avait des situations très différentes – des endroits où il existe déjà des choses, d’autres où beaucoup moins. Il faut partir de ce qui existe, ne pas imposer un dispositif qui fonctionnerait partout de la même façon, laisser une marge pour l’initiative locale. Je suis très réticente à cette notion de bonne pratique, de modèles tout faits. L’enjeu est la construction de ces pratiques et beaucoup de choses naissent du processus collectif de construction des pratiques.

Enfin, concernant la création d’une Fondation qui était aussi une de nos propositions, un rapport doit être remis dans les 6 mois de la promulgation de la loi. Ce rapport a été confié à Yannick Blanc, préfet du Vaucluse et président de la Fonda.

 

Quid de la proposition sur le financement ? (Proposition 1: Créer une Autorité administrative indépendante en charge de la gestion d’un fonds de dotation pour la démocratie d’interpellation citoyenne)

Sur le financement, rien du tout…Mais ce n’est pas très étonnant. Nous avons donc lancé une pétition sur le site de médiapart pour demander la création de ce fond pour la démocratie d’interpellation.

 

Qu’est-ce qui bloque ?

Le principe déjà. Financer une démocratie d’interpellation, cela inquiète quant aux contrepouvoirs qu’elle pourrait contribuer à créer. Le montant aussi, donner 10% des réserves parlementaires c’est perdre un peu de contrôle sur de l’argent qui est utilisé souvent de façon totalement opaque. Un certain nombre d’élus nous ont dit qu’ils trouvaient la proposition très intéressante, très novatrice, mais c’est un autre pas que de passer à la mise en oeuvre.

Nous avons demandé un rendez-vous au Président de la République et au Premier ministre. Nous allons avoir un rendez-vous avec le cabinet du président mais manifestement, il n’y a pas de volonté au plus haut niveau de mettre en place cette proposition..

Le blocage c’est le partage du pouvoir. C’est l’idée que l’on puisse financer des contre-pouvoirs, la notion même de contre-pouvoir heurte énormément d’élus. C’est la co-décision, le fait que les habitants puissent prendre part à la décision, qu’ils soient représentés de façon importante dans les instances. Par exemple nous avions demandé que des habitants entrent au conseil d’administration de l’ANRU : cette proposition n’a pas été reprise. De la même façon, il me semble important que des citoyens soient représentés dans les instances intercommunales car c’est là que seront décidés les grands enjeux de la politique de la ville. Pourtant la loi ne prévoit rien à ce sujet.

 

Sur les 30 propositions, certaines ont-elles été reprises telles quelles ?

Reprises telles quelles, non. Le concept de coformation a été repris mais reste à savoir qui va le mettre en oeuvre. Les tables de quartier ont été transformées en conseils citoyens. La plateforme nationale, la coordination associative, c’est nous qui l’avons mise en oeuvre puisque nous l’avons créée nous-mêmes !

La présence des habitants dans les instances de décisions a été reprise par la loi, mais celle-ci ne précise pas quel sera le pourcentage des habitants.

Pour l’élaboration des nouveaux contrats de ville nous avions proposé une méthode qui n’a pas du tout été retenue. Nous souhaitions que pendant 9 mois, notamment sur les sites pilotes, des associations travaillent à l’élaboration d’un diagnostic avec des professionnels pour se mettre d’accord sur les attendues du contrat de ville, sur les priorités. Ce n’est pas du tout ce qui a été fait : la question de la participation a été très peu abordée sur les sites pilotes. C’est réellement dommage et c’est là que l’on constate les freins dans l’administration centrale comme au niveau local quand on essaie de dépasser les déclarations de principe sur la participation.

 

Vous proposez aussi une fondation pour la solidarité sociale et le développement associatif, comment l’imaginez-vous ?

Une fondation indépendante collectant des fonds à la fois publics et privés, qui soit éventuellement régionalisée et surtout qui soit cogérée par des citoyens et des habitants. Ce dispositif permettrait de réduire pour les associations la course aux financements. Une course très inégalitaire dans la mesure où elle fait d’abord intervenir le capital social et les carnets d’adresse des responsables associatifs. Les fonds seront destinés à soutenir les associations et les collectifs oeuvrant pour la solidarité et l’engagement social, en priorité en direction des populations les plus vulnérables ou victimes de discriminations.

 

Cela soulagerait les associations, devenues des prestataires de services, répondant à des appels d’offres et perdant leurs capacités d’innovation…

C’est une vraie question, qui s’est exprimée de façon majeure dans nos rencontres. Les associations doivent passer par ce filtre d’appel d’offre. Comme dans la recherche d’ailleurs, où nous passons quasiment autant de temps à rechercher des financements qu’à faire de la recherche. C’est un gâchis énorme. Cela restreint beaucoup l’innovation et c’est pour cela qu’il nous semble très important d’assurer une autonomie associative. Une autonomie qui ne dépende pas uniquement du niveau local car nous avons aussi relevé le poids du clientélisme. Le mouvement associatif, en particulier celui qui est le moins structuré, subit une espèce de mise sous contrôle qui constitue une perte de temps et une perte d’argent – les critères d’évaluation ne sont souvent que des critères quantitatifs.

Nous plaidons, comme le fait au Quebec le Mouvement Communautaire Autonome, pour que les associations soient financées pour ce qu’elles sont et non pas pour ce qu’elles font, pour leur rôle de lien social, et donc qu’elles ne soient plus financées « au projet ».

Le mouvement associatif est en difficulté en raison des fortes restrictions budgétaires qui pèsent sur lui. Beaucoup d’emplois associatifs ont déjà été supprimés et pour l’année 2014, la suppression de 40000 postes associatifs supplémentaires est attendue.

Il faut par ailleurs souligner que le monde associatif est très diversifié, entre des structures d’éducation populaire souvent institutionnalisées, qui se sont pour certaines retirées des quartiers populaires, et tout un tissu de petites associations très diverses, très actives mais en même temps très fragiles. Donc oui cette question du financement est une question fondamentale.

 

EVAL s’est créée en réaction au néant qu’il pouvait exister en terme d’évaluation des politiques publiques mais très rapidement un autre extrême a pu être atteint : c’est à dire des dispositifs de suivi et d’évaluation contraignants, complexes, plaqués sur les institutions, en aucun cas éclairant pour les acteurs de terrain.

Exactement et du coup les associations reprennent tout un vocabulaire obligé pour répondre à ces appels d’offre et rentrer dans le moule. Mais cela empêche aussi les petites structures qui ne sont pas formées et qui ne connaissent pas les codes d’accéder aux financements. C’est un des effets de la néo-libéralisation, qui passe par l’adaptation de critères manageriaux qui viennent de l’entreprise privée à la gestion sociale et publique, sans remettre en cause par ailleurs un fonctionnement bureaucratique.

 

Divers mouvements citoyens ont été impulsés ces dernières années, le collectif du Pacte Civique, le collectif Roosevelt, les états-généraux de l’économie sociale et solidaire, le Collectif Pouvoir d’agir…  Mobiliser est complexe. Comment y-êtes-vous parvenu ?

Cela n’a pas été spontané. La composition de la commission a beaucoup joué de part sa diversité, l’engagement de ses membres ; cela a créé des synergies. Puis la conférence de citoyens a permis de réunir des acteurs divers en leur donnant la possibilité d’exprimer un point de vue, la possibilité de peser sur le rapport et sur les propositions. Ca a été un grand moment,et c’est sur cette dynamique que s’est constituée la coordination du 8 février, comme une forme d’alliance entre différents acteurs des quartiers populaires, associations, collectifs mais aussi professionnels et universitaires. En même temps c’est assez fragile, et sans moyens pour construire cette dynamique, cela va être assez compliqué.

De la même façon, si sur une table de quartier on ne met pas un coordinateur chargé d’animer la table, cela va être compliqué de demander encore plus à des associations qui peinent au quotidien à faire vivre leurs structures, de s’organiser collectivement. C’est là qu’il faudrait une vraie volonté politique.

 

Le pouvoir d’agir… s’agit-il d’un empowerment à la française ? Quelle en est la spécificité ?

Dans une recherche conduite avec Carole Biewener nous avons montré , que la notion d’empowerment peut être utilisée dans des dynamiques très différentes, tant des approches radicales qui articulent émancipation individuelle, collective et changement social, que quand elle est mobilisée par la Banque Mondiale par exemple, des approches néo-libérales, qui visent plus à adapter les individus au marché qu’à une transformation sociale profonde.

L’empowerment à la française consistait à se démarquer de certaines approches qui commencent à être diffusées en France, selon lequel l’appel à la participation et au pouvoir d’agir des citoyens pourrait remplacer l’action publique. Ce n’est pas du tout notre perspective ; l’idée n’est pas « il n’y a plus d’argent donc il faut que les citoyens se prennent en charge et fassent ce que la puissance publique ne peut plus faire ». Au contraire, il faut une intervention publique mais une intervention différente, qui se base sur un pouvoir donné aux citoyens et sur une co-construction. Cette intervention publique n’est pas du tout contradictoire avec le fait qu’il puisse y avoir une force de proposition, une force de création qui vienne des citoyens. C’est un peu ça l’empowerment à la française.

 

Quelles ont été les conséquences du remaniement ?

Du point de vue des missions et prérogatives des ministères, on ne peut que relever une certaine incohérence parce que la politique de la ville se trouve finalement entre 2 ministères : d’un côté le ministère de l’égalité des territoires dont elle dépend assez naturellement, avec les restructurations institutionnelles lancées par François Lamy qui sont en train de se mettre en place ; et puis de l’autre, un ministère un peu patchwork avec les femmes, la jeunesse, le sport, la politique de la ville… Mais pour l’essentiel, il semble y avoir continuité avec la réforme engagée par François Lamy. La ministre, Najat Vallaud-Belkacem a reconnu l’existence de la coordination « Pas sans nous ! » et l’a consultée pour l’élaboration du référentiel des conseils citoyens. Elle viendra d’ailleurs nous rencontrer lors de notre prochaine AG à Nantes les 6 et 7 septembre prochain. Tout va se jouer maintenant dans les mises en œuvre concrètes, sur le soutien qu’elle apportera aux initiatives citoyennes, sur la feuille de route qu’elle donnera aux Préfets, sur la création de la fondation, sur les modalités de coformation. Sur toutes ces questions, nous resterons vigilants, tant au niveau national que local. Mais par ailleurs, tout ne se repose pas sur la politique de la ville et force est de constater, comme nous l’avons fait dans le rapport, que les promesses faites aux habitants des quartiers populaires n’ont pas été tenues comme le droit de vote aux élections locales pour les étrangers non communautaires ou encore le récépissé de contrôle d’identité. Il reste beaucoup à faire au niveau des services publics, en particulier de l’école. La situation dans les quartiers populaires est grave, par la montée de la précarité mais aussi par l’agitation des peurs sociales et raciales, malheureusement relayée par certains responsables politiques.

 

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Donner les moyens de l’interpellation citoyenne

Pour une réforme radicale de la politique de la Ville. Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, Rapport au Ministre délégué chargé de la Ville, Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache, juillet 2013. Extrait :

Proposition I : Créer une Autorité administrative indépendante en charge de la gestion d’un fonds de dotation pour la démocratie d’interpellation citoyenne 

Les discours sur la démocratie participative ont fleuri en France au cours des vingt dernières années, appelant au développement de nouvelles formes de participation des citoyens. Pour autant, seule la démocratie représentative reste financée, que ce soit sous forme du financement des partis politiques ou des représentants élus. La participation n’est financée  que quand elle est initiée par les institutions. Nous proposons d’inscrire véritablement un droit d’interpellation citoyenne comme une dimension à part entière du fonctionnement démocratique de la République, et pour cela de dégager les moyens humains et financiers favorisant sa mise en œuvre.

Ce fonds pourra financer toute initiative citoyenne contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun (et non sur la base de l’intérêt d’un groupe), posés à l’échelle locale comme nationale. Il ne contribuera pas au financement de projets de services ou d’actions et d’animations sociales. L’objectif est de soutenir la prise de parole citoyenne pour sa contribution au débat démocratique, de permettre que se structure la parole de ceux qui ne l’ont pas, et d’ouvrir ainsi sur une construction conflictuelle de l’intérêt général.

Ce financement représentera 1% prélevés sur le financement public des partis politiques et 10% sur les réserves parlementaires. Les règles de fonctionnement de la haute autorité en charge de les distribuer et de les contrôler seront élaborées après délibération d’une conférence de consensus. On peut imaginer qu’elle sera composée d’élus, de hauts fonctionnaires, de personnalités issues de la société civile et du monde de la recherche, et pour au moins un tiers de représentants associatifs. Elle sera placée sous contrôle parlementaire.

Des critères clairs seront énoncés pour l’octroi de ces financements comme : l’indépendance vis à vis des pouvoirs institutionnels (pas de subventions numéraires des collectivités locales, des organismes délégataires de service public et des ministères dépassant 15% du budget) ; la non représentation des collectivités locales et des partis politiques dans la gouvernance de la structure ; la non participation aux élections politiques.

Rapport complet

citoyen

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Évaluer pour moderniser les politiques publiques

Relevé de décisions du CIMAP (Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique) du 18 décembre 2012 – extraits

Une démarche novatrice

Un travail d’évaluation des politiques publiques sera conduit au cours des prochains mois avec l’ensemble des acteurs publics concernés (État, collectivités locales, organismes sociaux et opérateurs). Cette démarche d’évaluation opérationnelle de l’ensemble des politiques publiques, qui n’a jamais été conduite en France, doit permettre de construire une vision collective des enjeux, des objectifs, des résultats et des modalités de mise en oeuvre de chaque politique publique. Il s’agit de simplifier, de rendre plus cohérente l’action des différents acteurs et d’améliorer de manière significative l’efficience de l’action publique, indispensables pour répondre aux nouveaux besoins, et tenir nos engagements budgétaires.

Une gouvernance et un pilotage interministériel dédiés

 » Décision n°39. Le CIMAP est l’instance décisionnelle : il programme les évaluations de politiques publiques ; durant les travaux d’évaluation, il est informé des diagnostics et de l’ensemble des propositions de scénarios de réforme envisagés ; il valide, à l’issue de ces travaux, le scénario de réforme à retenir ainsi que le plan d’action associé.

Les évaluations sont conduites sous la responsabilité des ministres compétents, qui désignent les personnalités ou structures chargées de piloter les évaluations, déterminent les modalités d’association des partenaires concernés et précisent les calendriers adaptés aux enjeux de chaque évaluation. Une méthodologie type est proposée aux ministères sur la base des préconisations des inspections générales interministérielles, mais elle sera adaptée et précisée pour chaque évaluation.

Un comité de pilotage restreint, présidé par le directeur de cabinet du Premier ministre, associant le ministère en charge de la réforme de l’État et le ministre chargé du budget veillera à la coordination de ces travaux.

Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) assurera le secrétariat de ce comité de pilotage et apportera, en tant que de besoin, un soutien méthodologique et technique aux équipes en charge de l’évaluation.

 » Décision n°40. Le futur commissariat à la stratégie et à la prospective sera associé à la démarche d’évaluation. Une formation associant partenaires sociaux, élus et personnalités qualifiées sera chargée d’assurer un suivi indépendant des évaluations.

La programmation des évaluations

L’ensemble des politiques publiques sera évalué avant 2017. Trois cycles d’évaluations seront lancés dès l’année 2013. Le choix des politiques inscrites au programme d’évaluation pour 2013 tient compte de différents critères :

  •  caractère prioritaire des politiques publiques concernées dans l’agenda du Gouvernement en raison des enjeux qu’elles recouvrent ;
  • multiplicité d’outils mis en place et/ou des structures impliquées appelant une clarification et une simplification dans les interactions entre les différents outils/acteurs concernés ;
  • importance des enjeux budgétaires associés et identification de marges de progrès en termes d’efficience et d’efficacité.

Le choix des ministères concernés :

Tous les ministères verront au moins l’une de leurs politiques publiques faire l’objet de travaux d’évaluation au cours de l’année 2013.

Le déroulé type d’une évaluation

Sur la base des propositions des inspections générales interministérielles, le dispositif suivant est proposé aux ministres responsables d’une évaluation. Il s’agit d’un “déroulé type”, qui a bien entendu vocation à être adapté selon la nature de la politique publique évaluée, le nombre des partenaires impliqués et la maturité des diagnostics déjà disponibles.

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Décision n° 41. Le CIMAP arrête la liste des 40 politiques publiques qui feront l’objet des trois premiers cycles d’évaluation programmés en 2013.

La programmation des évaluations

Calendrier 2013

calendrier 1

calendrier 2

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Installer durablement la culture de l’évaluation dans le fonctionnement des administrations

Publié par la Société Française de l’évaluation : interview de Jérôme Philippini, Directeur général de la modernisation de l’État (octobre 2012), puis directeur, secrétaire général pour la modernisation de l’action publique dans les services du Premier ministre (novembre 2012)
Propos recueillis par Bruno Botella et Laurent Fargues

Depuis le 31 octobre, Jérôme Filippini est chargé du dossier sensible de la modernisation de l’action publique. Pour Acteurs publics, il détaille les contours d’une démarche qui doit rompre avec la RGPP et mesurer l’efficacité des politiques menées par l’État, les collectivités locales et la Sécurité sociale. Ce ne sera “pas un exercice technocratique”, prévient-il.

Vous venez de prendre la tête d’un nouveau secrétariat général pour la modernisation de l’action publique. Quelle sera sa fonction ?

La création du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique répond à la volonté du gouvernement de se doter d’un outil cohérent pour engager un cycle de réformes innovant et ambitieux. Il rassemble des compétences jusque-là dispersées, avec le rattachement de l’ancienne direction générale de la modernisation de l’État, de la direction interministérielle des systèmes d’information, de la mission Etalab et du service consacré au suivi de la réorganisation des services déconcentrés.

Toutes les administrations œuvrant au développement de l’administration électronique sont désormais réunies…

C’est l’une des innovations de cette réorganisation. Le développement des démarches administratives en ligne, l’ouverture des données publiques et la rationalisation des systèmes d’information sont désormais coordonnés par une seule structure. Cela donnera les moyens de rendre l’action publique plus efficace et plus proche des citoyens.

Le Premier ministre a annoncé, le 6 novembre, la mise en ligne de nouvelles données publiques au début de l’année prochaine. De quoi s’agit-il ?

La politique d’ouverture des données publiques – ce que l’on appelle l’open data – est une priorité du gouvernement. Ce sera l’un des fils rouges de la modernisation de l’action publique qu’il entend mener. Notre ambition est de mobiliser les administrations pour qu’elles mettent en ligne des données à plus fort enjeu démocratique et pouvant déboucher sur de vrais usages et des innovations sociales et économiques. En clair, nous nous intéresserons davantage à la qualité qu’à la quantité. Avec deux ambitions : rendre l’action publique plus transparente et favoriser l’émergence de nouveaux services.

Pourquoi le secrétariat général est-il rattaché à Matignon ?

Le portage de la réforme de l’État ne pouvait dépendre du ministère du Budget, car l’amélioration de l’action publique ne se résume pas aux seules économies budgétaires. C’est l’un des enseignements du bilan de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) réalisé par les corps d’inspection. Placer la modernisation de l’action publique sous l’autorité du Premier ministre rompt avec la logique de la RGPP et consacre la dimension interministérielle de cette modernisation. Cela garantit en outre une certaine stabilité administrative des services chargés de la réforme de l’État au-delà des changements de périmètres ministériels.

Quelle est votre relation avec le ministère de la Réforme de l’État de Marylise Lebranchu ?

Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique est placé sous l’autorité du Premier ministre et mis à la disposition de la ministre chargée de la Réforme de l’État. En pratique, je travaille tous les jours avec le cabinet de Marylise Lebranchu. Je leur soumets des propositions, je reçois leurs directives, j’applique leurs décisions. Le secrétariat général est le troisième volet d’un triptyque composé de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et de la direction générale des collectivités locales (DGCL) qui forme la structure administrative du ministère de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique conduit par Marylise Lebranchu.

Quel sera votre rôle dans les cycles d’évaluation des politiques publiques que le gouvernement lancera le mois prochain ?

À partir de décembre, le Premier ministre réunira chaque trimestre les ministres pour décider d’une série de politiques publiques à évaluer afin d’en mesurer l’efficacité et l’adéquation aux besoins des Français. Notre tâche consistera à faire réussir ces évaluations en concertation avec – entre autres – des représentants des fonctionnaires, des collectivités territoriales et des organismes de la Sécurité sociale. La durée des travaux sera variable d’une politique à l’autre, mais tous aboutiront à des propositions partagées de réformes, qui seront coordonnées par Marylise Lebranchu. L’objectif est d’installer durablement la culture de l’évaluation dans le fonctionnement des administrations afin de rendre l’action publique plus efficace, plus lisible et plus cohérente.

En quoi cette démarche sera-t-elle différente de la RGPP ?

L’évaluation portera sur l’ensemble des politiques publiques et non sur la seule organisation de l’État. Elle posera la question du sens et de l’efficacité de l’action publique, en mettant les attentes des citoyens au cœur de la démarche, avant de se pencher sur les moyens. Les collectivités territoriales, les organismes de Sécurité sociale et tous les acteurs participant à la mise en œuvre des politiques publiques seront associés à la démarche, notamment (et avant tout) les agents, qui seront étroitement associés à toutes les étapes. Le président de la République et le Premier ministre souhaitent que les ministres s’approprient l’exercice et en soient responsables. La modernisation de l’action publique est un acte politique, pas un exercice technocratique.

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Avec la transparence, la démocratie avance

Transparency International France demande que la lutte contre la corruption et l’éthique de la vie publique soient reconnues grande cause nationale


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